Au CNRS, on branle les mouettes pour connaitre l’impact des PFC

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Des chercheurs qui cherchent on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent, on en… trouve !

On en a justement trouvé un dans la communauté des Green Riders, le célèbre Dr. Carotte (en rapport avec son activité préférée : faire des carottes de vase pour lire le passé récent de la Terre, et c’est pas toujours très jojo).

Dans cet article, il nous propose un exemple concret des impacts des PFCs.

Tu sais, les PFCs, ce sont ces molécules qui nous “facilitent la vie” (anti adhésif sur nos poêles, traitement déperlant de nos vestes de ski), mais qui en réalité nous “la pourrissent”… enfin pour t’expliquer tout ça on te laisse avec Dr. Carotte.

Tu souhaites toi aussi partager un article ? Lance-toi et contacte nous par email (pierre@lagreensession.com).


Suite à la publication de l’article de la Green Session sur les PFCs, le CNRS vient de sortir une vidéo pour expliquer aux Green Riders l’impact de leurs pratiques sur l’environnement…

Bon, c’est un peu une mytho, on n’est pas tout à fait sûr que ça soit suite à la publication de l’article de La Green Session, mais en tout cas la vidéo est en ligne ici :

Vous y apprendrez que des types payés par vos impôts se font des trips de ouf au Svalbard (archipel proche du cercle polaire) pour… branler les mouettes ; et accessoirement, sauver le monde !

Sommaire :

A la recherche des PFCs

Chercher les points froids

Alors, déjà, on peut se demander : pourquoi aller au Svalbard pour étudier les effets des PFCs sur l’environnement ? Est-ce qu’il y aurait là-bas une telle concentration d’autochtones en Gore-Tex 3 plis ? Est-ce que Tefal y aurait installé une usine de poêles à frire ?

Ben non, les 2 principales raisons sont :

  • que les collègues cherchaient un lieu éloigné des sites d’émission pour isoler la composante « globale » de la contamination.
    (Je dis les “collègues” parce que moi aussi, je suis payé par vos impôts pour parcourir le monde à essayer de comprendre et démontrer les mécanismes des changements globaux ; merci à vous, mais ne vous inquiétez pas, le budget du CNRS[1] reste encore bien au-dessous du centième du budget de l’armée, ouf !)
“Trouvé !!!”
Sont fous ces chercheurs
  • que, comme c’est dit au début de la vidéo, les PFC sont volatils. Non, cela ne veut pas dire qu’ils sont de la même famille que les mouettes, mais qu’ils peuvent voyager dans l’atmosphère très très loin sous forme gazeuse, avant de se condenser sous l’effet du froid. C’est pourquoi on va les trouver sur-concentrés aux hautes latitudes et aux hautes altitudes.

Chercher les volatils dans les volatiles

Ensuite, pourquoi s’intéresser à ces braves mouettes tridactyles ?

Le collègue nous explique qu’en tant que prédateurs, les mouettes sont des bioaccumulateurs. Cela signifie que les molécules de PFC ingérées par les organismes vivants ont tendance à rester dans leur corps lors des processus de digestion.

En d’autres termes, si on mesure la concentration de PFC dans le guano, il y en aura moins que ce qu’il y avait dans le poisson mangé par la mouette, la différence s’étant accumulée dans la mouette.

Le même phénomène se produit à chaque fois qu’un prédateur mange une proie : il mange aussi du PFC et il le garde. Après avoir bien mangé des centaines de proies, il se fait à son tour manger par un plus gros que lui, qui ingurgite d’un coup des centaines de doses etc.

Même dans un écosystème assez simple comme celui de l’Arctique, cela conduit les mouettes qui mangent des poissons, qui avaient mangé des crevettes, qui avaient mangé du zooplancton, qui lui-même avait mangé du phytoplancton qui avait incorporé des PFCs à se retrouver sacrément chargées (les mouettes). C’est cela qu’on appelle la bioaccumulation.

Pas sûr que ça marche aussi avec la connerie, mais quand on traine un peu sur Facebook, on se demande quand même…

Les conséquences des PFCs sur les être vivants

Une belle manip comme on les aime : du système D sur le terrain, aux techniques de pointe dans le labo

Pour montrer s’il y a un effet des PFCs sur la fertilité des mouettes, il fallait trouver un moyen de mesurer la fertilité et la contamination des piafs en question.

Pour mesurer la fertilité, je te laisserai juger du génie développé par les ingénieurs du CNRS pour compter les œufs dans les nids.

Bravo au MacGyver du CNRS. Un retro, un baton, une ficelle et voilà un “compte oeufs télescopique” !

Pour la contamination, pas de bouts de ficelle, mais une analyse de sang. Et voilà le lien établi :

“Plus les mouettes ont de PFCs dans le sang, moins elles produisent d’œufs féconds.”

Le moment tant attendu

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Pour préserver son anonymat, nous avons flouté le visage de Jean-Mouet Chandon (ceci est bien entendu un nom d’emprunt)

Et là, à 2:59, le moment que tu attendais tant, alléché par le titre putaclic de ce billet… Eh oui, à un moment donné, quand on pose des hypothèses, il faut se donner les moyens de les vérifier.

La scène est présentée pudiquement dans le reportage, mais si on veut étudier la fertilité d’un animal, ben, il faut bien prélever un peu de sa semence.

Et le résultat tombe :

“Plus les mâles ont de PFCs dans le sang, plus leurs spermatozoïdes sont pourris.”


Alors, tu me diras : Mais pourquoi ce serait différent pour les mammifères et en particulier les derniers représentants du genre homo ? Eh bien, il n’y en a pas.

Je te laisse méditer là-dessus…

Que pouvons-nous faire contre les PFCs ?

On rigole, on rigole, mais ce n’est pas drôle

Comme expliqué dans la vidéo, la famille des PFCs comporte des centaines de molécules dont seulement 2 sont réglementées au niveau international.

Pour arriver à cette règlementation, il a fallu que des chercheurs généralement payés sur fonds publics, fassent la preuve de la dangerosité de ces produits.

Il y a là un rapport totalement asymétrique entre une industrie chimique très riche et qui produit sans cesse de nouvelles molécules et une recherche publique moins bien dotée et qui avance forcément lentement pour pouvoir déboucher sur des connaissances incontestables.

Alors comme le dit le Pr. Thibault “envoyez des Sioux” !!

Le combat dure depuis que, au milieu du 20ème siècle, certains humains ont percuté de l’influence de moins en moins négligeable que nous avions sur la planète.

Alors, on ne fait que pisser dans des violons ?

Non, la veille scientifique fonctionne et nous avons enregistré quelques succès encourageants. Le combat est âpre, certes, mais il ne faut pas sombrer dans le défaitisme.

En Europe la situation vis-à-vis des contaminants locaux ne cesse de s’améliorer pour nombre d’entre eux. Au niveau mondial, nous avons pu faire bannir de nombreuses molécules.

En particulier, on ne produit plus de DDT, ou cette saloperie de chlordécone qui a ruiné les écosystèmes des Antilles et tue encore nos compatriotes ultra-marins.

Bannis également, les CFCs et tous leurs potes (HCFC, etc…) qui creusaient tranquillement la couche d’ozone, qui n’est rien d’autre que la crème solaire de la planète, celle qui nous évite de griller sous l’effet du bombardement UV de notre chère étoile.

Un autre exemple intéressant est celui du plomb dans les essences dont les chercheurs du monde entier ont démontré qu’il était responsable d’une contamination mondiale. Les politiques ont pu faire plier les lobbys du pétrole, aussi possesseurs de mines de plomb, en se fondant sur la robustesse des études scientifiques.

Cela les a tellement embarrassés, ces rascals, qu’ils n’ont pas hésité à menacer directement Clair Paterson, le chercheur qui avait démontré la présence de plomb des essences au Groenland et qui avait fait de son interdiction une affaire personnelle.

Alors, croyez-le, les chercheurs sont vos amis, il faut les aimer aussi !

Et moi, petit Green Rider, je fais quoi ?

Eh bien, on suit les conseils du blog et on se renseigne sur les produits qu’on achète.

En ce qui concerne les PFCs, Greenpeace a réalisé en 2012 et 2015 des tests sur des produits proposés par les principales marques d’outdoor, dont le dernier était présenté dans le blog de la Green Session.

Pour être tout à fait honnête, les résultats de Greenpeace n’ont pas été publiés dans une revue scientifique à comité de lecture, mais dans un rapport.

Je suis allé voir le rapport technique de l’étude et je n’y ai toutefois pas décelé d’erreur évidente. Les mesures ont été réalisées dans des labos indépendants certifiés et le protocole a été pensé intelligemment, en proposant notamment une adaptation dans les cas où les différentes parties des vêtements présentaient des valeurs différentes.

J’aurais donc tendance à considérer l’étude avec confiance, tout en regrettant que Greenpeace n’ait pas soumis son travail à la validation par les pairs, ce qui aurait renforcé la reconnaissance de son travail.

En ce qui concerne les vestes d’outdoor, seules deux marques pouvaient se vanter d’être PFC-free en 2015 : Vaude et Jack Wolfskin.

“Cependant, les entreprises d’outdoor s’étaient engagées à être PFC-free en 2020. Il aurait donc été intéressant que Greenpeace refasse son test cette année pour voir où en sont les géants que sont North Face, Patagonia et compagnie.”

En l’absence de ces résultats, nous ne pouvons que nous fier à cette étude vieille de 5 ans et à aux déclarations des fabricants.

À quand l’obligation pour les industriels de publier des données indépendantes de concentration dans leurs produits d’une liste des composés chimiques potentiellement dangereux ?

Pour conclure…

Tu l’auras compris, la recherche privée des géants de l’industrie chimique et la recherche publique en environnement sont engagés dans une course folle et déséquilibrée, un peu comme les sportifs qui se dopent et les instances qui les surveillent : les premiers ont toujours un train d’avance.

Mais on a vu aussi qu’avec de l’opiniâtreté et le soutien des opinions publiques, il est possible d’avancer dans le bon sens et même d’obtenir l’interdiction de certains produits.

Dans cette course, on ne peut pas dire que les marques d’outdoor ne font rien. Toutes essaient de se verdir, mais les consommateurs sont exigeants sur les performances des produits et les solutions techniques ne sont pas faciles à trouver. Sans compter que les PFCs ne sont qu’un aspect de l’empreinte environnementale d’un vêtement.

Aujourd’hui, au moins en Europe, les écosystèmes et en particulier les cours d’eau sont moins pollués qu’il y a 10 ans. On peut donc espérer que l’on continue sur cette voie, à condition de ne pas donner les clés du camion aux seuls industriels.

Leur imposer de financer les recherches, publiques ou privées (comme celle menée par Greenpeace), qui visent à identifier et réparer leurs fort lucratives conneries ne pourrait que rendre service.

On peut bien rêver, non ?


[1] Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le financement de la recherche en France : https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-sciences/le-journal-des-sciences-du-vendredi-28-septembre-2018

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