Rencontre avec Tom Frager, le surfeur qui chante ou chanteur qui surfe ? La seule chose qui ne change pas, son engagement.

Tom contre une porte rouge


Salut Tom, peux tu nous raconter ton histoire ?

Je suis né au Sénégal, à Dakar en 1977, puis j’ai grandi à Bamako au Mali. C’est à l’âge de 12 ans qu’avec ma famille on a traversé l’Atlantique pour atterrir en Guadeloupe. En fait, on a suivi la carrière de mon père. Il bossait dans les énergies renouvelables, c’était un précurseur pour l’époque. Il a commencé par installer des pompes à eau dans des villages africains. Et puis il s’est dirigé vers les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien.

La nature de son métier nous a permis, dès le plus jeune âge d’être sensibilisé au respect de l’environnement et à la préservation des ressources comme l’eau et l’électricité.

« C’est donc sur le fleuve Niger au Nord du Mali que j’ai commencé la planche à voile. .. On naviguait au milieu des hippopotames, c’était assez incroyable à vivre »

C’est donc en Guadeloupe que tu as commencé le surf ?

Non, pas tout à fait. Mes premiers contacts avec l’eau c’était en Afrique, au Mali. La bas il n’y avait pas la mer, c’est donc dans le fleuve Niger au Nord du Mali que j’ai commencé la planche à voile. A l’époque j’étais encore petit, c’est donc entre les jambes de mon père que je naviguais. On naviguait au milieu des hippopotames, c’était assez incroyable à vivre.

Tous les étés je revenais en France pour voir ma famille du côté d’Hossegor. C’est là que j’ai vraiment débuté le surf. Je me souviens d’avoir regardé les Championnats du Monde sur la plage, je voyais les pros et je rêvais, un jour, de faire la même chose qu’eux

C’est quand je suis arrivé en Guadeloupe vers l’âge de 12 ans, que je me suis mis au surf à bloc. J’ai rapidement obtenu des bons résultats, ce qui m’a permis à 15 ans d’intégrer l’équipe de France et de participer aux championnats d’Europe et du Monde. C’est à travers les stages et les compétitions pro que j’ai eu la chance de découvrir des spots partout dans le monde.

Tom Frager au sommet de la vague
Tom au sommet de son art

Après le surf, il y a eu la chanson. Comment et pourquoi cette transition ?

En parallèle du surf, j’ai continué mes études avec une licence de sport à la fac. Je me prédestinais à entraîner le haut niveau dans le milieu du surf. Et puis à 22 ans, j’ai dû rentrer à Bordeaux pour soigner une blessure à la cheville. Pendant ma convalescence, comme j’étais immobilisé et que je ne pouvais pas aller surfer, je me suis réfugié dans la musique

Pendant cette année “OFF” je me suis inscris dans une école de musique à Bordeaux. Très rapidement j’ai eu le coup de foudre pour cet art. Je me suis rendu compte que c’est ce que voulais faire pour vivre.

C’est à ce moment là que j’ai rencontré les musiciens qui sont devenus les membres du groupe Gwayav’ que j’ai fondé en 2003.

C’est marrant parce qu’au départ j’étais vraiment pudique avec la musique, je jouais dans mon coin, sans aucune prétention. Et petit à petit, grâce à mes potes musicos du groupe, qui m’ont donné confiance en moi, j’ai appris le live, le studio, l’écriture. On a commencé à faire nos premiers concerts, à enregistrer nos premiers morceaux et même à sortir notre premier album.

Au début, grâce à ma proximité avec le milieu du surf pro, on a fait plusieurs concerts pendant les grosses compétitions de surf, un peu partout dans le monde. La communauté du surf aimait bien le côté reggae rock qu’on proposait, ça nous a bien aidé à nous faire connaître.

« Avant je surfais en pro et je faisais de la musique pour le plaisir. Maintenant je fais de la musique de manière pro et je surfe pour le plaisir. »

A ce moment là, avais-tu complètement arrêté ta carrière dans le surf ?

Très souvent les gens pensent que j’ai tout arrêté après ma blessure, mais non pas du tout. On m’a soigné, j’ai pu retrouver mon niveau de surf et j’ai participé à quelques compétitions. J’ai même refais une demi finale au Portugal sur le circuit WQS.

C’est moi qui ai décidé à un moment d’arrêter. J’avais “bouffé” du surf de haut niveau pendant plus de 10 ans, j’en avais un peu assez.

Et puis il y avait la musique. Elle m’apportait quelque chose dont j’avais d’avantage besoin à ce moment là de ma vie, notamment la dimension collective.

Je serai surfeur à vie, j’ai besoin des vagues. Mais je me suis rendu compte que j’en avais plus besoin comme une chose ressourçante, comme un jardin secret que je partageais avec mon frère et mes potes.

La musique m’apporte une dimension plus large, de partages et d’échanges avec les musiciens, avec le public. J’ai le sentiment d’être plus “utile” que sur ma planche de surf. C’est moins perso, je peux faire passer des messages, un regard sur le monde, des valeurs liées à l’écologie par exemple. J’avais le sentiment que c’était une mission plus grande que de surfer pour moi et mon petit plaisir personnel. C’est pour ça que je me suis dirigé vers la musique.

Tom en concert avec ses musiciens
Tom au sommet de son autre art !

Et aujourd’hui, trouves tu toujours le temps de pratiquer le surf ?

J’habite à Capbreton à 300m des dunes. C’est donc super facile pour moi d’aller surfer. Je suis un fou de surf, j’en ai besoin, mais j’ai inversé l’ordre des choses.

Avant je surfais en pro et je faisais de la musique pour le plaisir. Maintenant je fais de la musique de manière pro et je surfe pour le plaisir.

Je m’entraîne presque tous les jours… enfin quand les conditions le permettent. L’année dernière j’ai gagné le championnat de France Grand Master (41 – 45 ans) … rire

Tom dans un gros tube... au soleil
Tom qui sort encore un tube… il faudra peut-être penser à faire un album …

Est-ce que tu peux nous raconter la meilleure session de ta vie ?

En terme de qualité de surf, la plus belle vague que j’ai surfé s’appelle Macaroni, dans les îles Mentawai, au large de Sumatra. C’était en 2009, je n’avais jamais vu une vague aussi parfaite. J’ai surfé d’autres belles vagues dans ma vie, mais jamais aussi belles que celle là.

La preuve en images et en musique (de Tom of course !) :

Quel est ton spot de surf préféré ?

D’un point de vue affectif, j’ai une tendresse particulière pour certains spots en Guadeloupe. C’est la-bas que j’ai grandi. Je connais chaque centimètre du reef. Il y a une vague que j’aime en particulier, elle s’appelle le Plombier, elle se trouve à Anse-Bertrand. C’est dans ces tubes là que j’ai fait mes armes. C’est vraiment un spot que je connais par cœur, c’est mon home spot.

Pratiques-tu d’autres sports ?

Oui je fais un peu de planche à voile. J’ai essayé le wake, c’est sympa, mais je ne suis pas un grand fan des sports “motorisés”, donc je ne pratique presque jamais. Après j’adore le tennis, j’aime bien le foot.

« Dans l’album “Au large des villes” que je viens juste de sortir, en trame de fond je propose une prise de distance par rapport à notre mode de vie moderne, à la surconsommation, l’utilisation du plastique, de la voiture individuelle. C’est plus que jamais présent dans ce que je défends. »

Depuis que tu as commencé le surf, est ce que tu as vu tes spots préférés se dégrader ?

Oui complètement, je trouve que la qualité de l’eau s’est bien dégradée. C’est le cas ici dans le Sud Ouest. Mais le pire c’est en Indonésie, il y a des coins c’est hallucinant. T’es en Indonésie au milieu de nul part et tu te retrouves avec plein de canettes et de morceaux de plastique partout autour de toi. Bali c’est le pire, ça fait peur.

Tom contre une porte rouge
Toujours contre sa planche … bon alors là c’est un volet !

Quel est ton rapport avec l’écologie ?

Depuis que je suis gamin je vis avec ça en tête. J’essaie à mon niveau, par la chanson, de dénoncer certaines choses.

En 2003, dans mon premier album avec Gwayav’, j’avais écrit un titre qui s’appelait “Prestige”. Du même nom que le bateau qui a provoqué une énorme marée noire.

Dans l’album “Au large des villes” que je viens juste de sortir, en trame de fond je propose une prise de distance par rapport à notre mode de vie moderne, à la surconsommation, l’utilisation du plastique, de la voiture individuelle. C’est plus que jamais présent dans ce que je défends. Comme les choses ne vont pas dans le bon sens, ça reste mon cheval de bataille.

Pour les gestes du quotidien, j’essaie surtout de faire attention à ce que j’achète, moins souvent et moins de plastique. Et bien sûr je pratique le tri sélectif depuis très très longtemps.

Avec l’association Surfrider foundation, je pratique le “1 session = 1 déchet“, le principe est simple, à la fin de chaque session on remonte avec au moins un déchet.

Comme l’éducation c’est la base de la conscience, je fais le maximum pour que mon fils soit élevé avec cette conscience écologique. Aujourd’hui à l’école mon fils apprends des chansons sur l’écologie, ce qui n’était pas du tout le cas pour ma génération ! On peut donc espérer que dans 15-20 ans, les gamins d’aujourd’hui seront des adultes plus éco-responsables que nous … en espérant qu’il ne soit pas trop tard !

« Tant que l’économie ne fera pas un pas en arrière pour laisser l’écologie faire un pas en avant, on n’y arrivera pas. »

Y a t’il une chanson en particulier dans ton dernier album qui dénonce cette dérive ?

Oui, il y en a une, elle porte même le nom de l’album, c’est le titre “Au large des villes”. C’est un blues pop africain (voici les paroles) qui parle des bateaux qui se vident, des billets qui décident des mouvements de l’histoire.

Tant que l’économie ne fera pas un pas en arrière pour laisser l’écologie faire un pas en avant, on n’y arrivera pas. J’ai l’impression qu’il y a une amnésie générale. Après toutes les catastrophes écologiques qu’on a vécu, les Fukushima, les marées noires et les autres… rien ne change, on continue à sur-consommer. Comme si on oubliait à chaque fois. On n’en tire aucune leçon, c’est dommage.

Il faut que chacun fasse des efforts à son niveau, mais c’est surtout là-haut qu’il faut que ça change. Qu’on interdise le plastique par exemple.

Pochette de l'album au large des villes
… Ahhh ba le voila l’album plein de tubes !

Tu viens tout juste de sortir un nouvel album, quels sont tes projets pour les prochains mois ?

La j’ai un gros concert le 9 Août 2019, à Seignosse, donc je prépare ça . On joue à 12 sur la scène du Tube. Etre à 12 sur scène c’est un truc que je n’ai jamais fait, ça va être génial. Et puis il y a la sortie des 3 clips (épisode 1, le 2 et le 3 suivront), puis la tournée pour l’album. On a une date à Paris et plusieurs en Guadeloupe.

Quand tu pars en tournée comme ça, est ce que tu prends ta planche ?

A oui toujours ! Elle me suit presque partout. Quand je vais au Sénégal c’est un peu plus compliqué, mais j’ai toujours des potes sur place qui me prêtent du bon matos.

Tom avant une bonne session de surf
« Jamais sans ma planche » Tom Frager

Peux-tu nous recommander une personne pour être le prochain Green Rider ?

J’ai fait un duo dans le dernier album avec un mec que j’adore. Il s’appelle Mishka. Il a grandi aux Bermudes. C’est un mec super root. C’est devenu un super pote. Il parle beaucoup d’écologie dans ses textes. Ces chansons c’est genre reggae folks, il a une superbe voix et je pense qu’il sera ravi de répondre à vos questions.

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6 Commentaires sur “Rencontre avec Tom Frager, le surfeur qui chante ou chanteur qui surfe ? La seule chose qui ne change pas, son engagement.

  1. Olivier Vergne says:

    Salut les Green sessions men ! Très intéressant le parcours de ce surfer-guitariste, c’est tout moi en fait ;-). Bien joué pour le jeu de mots sur les tubes !
    Bon van-trip !

    • Pierre Barbez says:

      Salut Olivier,

      Quand j’ai fait l’interview de Tom, j’ai directement pensé à toi. On a hâte d’aller à ton prochain concert…juste après une bonne session de surf !

      PS: le trip van c’était TOP et très dépaysant !

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