Salut Léon, peux-tu nous raconter ton histoire en quelques mots ?
Salut. J’ai 34 ans. Je suis né à Paris puis j’ai grandi dans le sud de la France près de Nice.
J’ai vécu ma première expérience forte entre 11 et 14 ans lorsque que j’ai réalisé mon premier tour du monde en voilier avec ma mère. Puis lorsque je suis rentré en France j’ai intégré l’internat de Barcelonnette puis à Saint-Etienne en sport études ski et escalade.
Une fois le bac obtenu, j’ai bossé à Méribel comme skiman avant de découvrir la Bretagne ou j’ai passé mon diplôme de capitaine en 2009.
Après avoir navigué sur différents types de navires, je me suis lancé en 2011 dans un nouveau tour du monde en voilier mais cette fois avec ma femme, Nina. On a profité de cette expérience pour porter un projet environnemental qui s’appelait “Raconte nous ta mer”.

L’idée était de projeter des films réalisés par des ONG locales dans des villages en Afrique qui n’avaient ni eau ni électricité. On accédait aux villages en voilier par les rivières.

Depuis 10 ans je conduis tous types de bateaux de commerce et de promenade et depuis 3 ans j’habite à Plouharnel dans le Morbihan en Bretagne.
Pourquoi es-tu revenu t’installer en Bretagne il y a 3 ans ?
En fait je me suis crashé en Bretagne un peu par hasard. On allait acheter notre 3e navire aux antilles et ma femme allait accoucher de notre deuxième enfant lorsque que je me suis cassé le genou en kite sur l’ile Aves au large du Venezuela.

Il fallait que l’on se trouve un point de chute rapidement pour que je fasse ma rééducation dans de bonnes conditions. Et c’est là que l’on a trouvé un appart à Sainte-Barbe. Et on est resté ici 🙂
Tu as navigué sur quels types de navires ?
J’ai navigué sur des vieux gréements comme le corbeau des mers ou des catamarans pour des promenades en mer comme les bateaux roses Caseneuve par exemple.
J’ai également navigué sur des navires de pêche et d’autres navires à moteur avec notamment une expérience de capitaine sur les passeurs des îles dans le golfe du Morbihan. Ce sont des bateaux qui embarquent une centaine de passagers et qui relient le continent aux îles du golfe.
J’ai aussi navigué sur des voiliers aux Antilles. C’était génial. On faisait tout à la voile, on ne mettait jamais le moteur.

Quel est ton rapport avec les sports de glisse ?
Mon père était pisteur. Il m’emmenait régulièrement faire de la rando. Lorsque j’étais skiman à Méribel, je me suis gavé de ski. Puis j’ai eu des problèmes de genoux à force d’envoyer des jumps et cela m’a empêché de passer mon diplôme de pisteur.

J’avais eu cette expérience de voile avec ma mère que je n’avais jamais utilisée alors je me suis dit que ce serait bien de passer un diplôme de capitaine. C’est comme ça que je suis arrivé au Guilvinec, en Bretagne. Je n’avais jamais mis les pieds en Bretagne et j’avais beaucoup d’aprioris sur cette région.

J’habitais juste à côté du spot de La torche donc naturellement je me suis mis à surfer. Puis en 2011 lorsqu’on est parti faire notre tour du monde, j’ai croisé un pote qui m’a appris le kite et là ça a été la révélation.
Je ne pouvais plus sauter en ski à cause de mes genoux et grâce au kite je pouvais retrouver ces sensations et sauter à nouveau. Et puis je me suis repris des grosses boites jusqu’à me refaire mal aux genoux.
Maintenant je m’efforce de pratiquer une glisse plus tranquille lors de sessions plus courtes pour préserver mes genoux comme me l’a conseillé mon chir’.
Je fais beaucoup de surf et un peu de kite strapless.

Et le foil ?
Évidemment le foil m’intéresse beaucoup. J’aimerais surtout faire de la longue distance avec d’autres potes.
Mais je n’ai pas encore le budget, toute ma tune va dans le projet iliens ou pour ma famille et un foil ça reste cher même si on m’en a proposé plusieurs fois d’occasion.
Et puis vu que je suis un peu tête brûlée, je me dis que je vais finir par me prendre le foil dans la face !
A part la glisse, quelles sont tes autres occupations en ce moment ?
Depuis deux ans, je me consacre au développement d’un projet entrepreneurial qui s’appelle iliens, la navette qui met les voiles…
Peux-tu nous présenter le projet Iliens ?

Le projet Iliens est né suite à une idée de ma femme. Le principe est de mettre en place une liaison maritime régulière à faible impact environnemental assurée par un voilier entre Quiberon et Belle-Ile.
On est parti du constat qu’il n’y avait aujourd’hui qu’un gros bateau roulier de 450 passagers et 50 voitures pour faire la liaison et qu’il n’existait aucune alternative pour le grand public.

Crédit : BryanHZS
Or, Belle ile c’est aujourd’hui 1 million de passagers par an avec les perturbations que les 17 rotations/jour (en pleine saison) peuvent entraîner.
Parallèlement à ça on observe un mouvement associatif de fret à la voile. On entend beaucoup parler en ce moment de Grain de sel ou encore TOWT mais c’est toujours pour le fret.
Notre solution c’est de faire la liaison Belle-ile – Quiberon en voilier avec un catamaran moderne et rapide qui peut embarquer 50 passagers. Dans toutes nos expériences on s’est aperçu qu’entre 40 et 50 passagers tu arrives à dire bonjour à tout le monde et ça reste assez humain. Et c’est ce type de transport à taille humaine que l’on souhaite proposer.
Comment est né le projet ?
Il y a deux ans lorsqu’on a eu l’idée, on nous disait “ah c’est une bonne idée”, mais est ce que ce n’est pas une fausse bonne idée ? Existe-il réellement une demande pour ce type d’offre ?
On est donc allé à la rencontre des clients potentiels. On a fait un questionnaire en gare maritime et on a pu constater que les gens étaient très intéressés par l’option voilier et qu’ils étaient même prêts à ajouter au moins 5€ pour le faire.
Ça nous a motivés et on s’est dit que c’était possible. Alors effectivement il va falloir vendre un paquet de tickets, mais le projet pourrait être rentable en captant moins de 1% du flux qui va à Belle-île et en proposant un tarif à 40€ soit seulement 5€ de plus que l’aller-retour proposé par la compagnie actuellement en place.
Qui se cache derrière le projet Iliens ?
Je travaille sur le projet depuis deux ans mais la création officielle de l’entreprise date de juillet 2020, date à laquelle trois autres associés ont rejoint l’aventure.
L’équipe est donc constituée de Lou, Inès, Jonas et moi. On est tous marin et la parité est respectée ce qui me tenait à cœur.

En plus d’avoir le diplôme de marin, les autres associés apportent des compétences nécessaires au développement du projet comme des compétences opérationnelles, en gestion, en communication et événementiel.
Comment fonctionnera la liaison ?
On assurera la liaison Quiberon – Belle-île de mars à octobre. En pleine saison, on propose trois rotations à des horaires réguliers que l’on devra respecter pour laisser la place aux autres bateaux sur les cales.
On proposera également une offre événementielle qui s’adressera aux collectivités, aux entreprises et aux particuliers. Ça sera uniquement en basse saison pour ne pas gêner notre service régulier. Cette offre pourra prendre la forme de promenades ou d’apéros au coucher de soleil.
Quand il fait mauvais temps, on a le plan B du Golfe du Morbihan qui reste accessible même en cas de mauvaise météo.
Comment peux-tu garantir le respect des horaires avec une navigation à la voile qui dépend des conditions météo ?
Pour respecter les délais et horaires imposés par les ports, le bateau sera équipé d’une motorisation auxiliaire qui fonctionnera au diesel dans un premier temps. L’objectif est de décarboner à 100% dans les prochaines années.
Cependant les voiles seront hissées systématiquement pour exploiter au maximum le vent disponible. Des statistiques météo précises sur les 10 dernières années ainsi que les retours d’expériences des skippers qui naviguent dans cette zone nous permettent d’évaluer l’usage de la voile à plus de 80% du temps. Les vents dominants Est/Ouest sont parfaitement adaptés à cette liaison.
Bateau neuf ou occasion ?
On privilégie pour l’instant un bateau d’occasion. On a eu et on aurait la possibilité de faire construire un bateau neuf mais l’objectif est dans un premier temps de recycler une vieille coque.
Cela nous permettra également de démarrer le projet avec quelque chose qui existe déjà et qui a fait ses preuves, plutôt que de se lancer dans la conception d’un prototype.
A quoi va ressembler le bateau ?
Nous avons choisi un catamaran qui a déjà fait ses preuves et qui répond à la législation en vigueur sur les navires à passagers.
Le bateau que l’on veut acheter est prévu pour accueillir au maximum une centaine de personnes… pour les pays chauds.

Or on doit s’adapter au climat local et on se base sur un cas d’exploitation avec intempéries dans lequel on doit abriter les passagers. Et comme il n’y a que la moitié du catamaran qui est abritée (partie arrière), on a prévu de le remplir avec 48 passagers maximum.

Les bagages seront bien évidemment stockés au sec dans les cales et il sera possible de transporter des vélos et remorques sur demande spécifique en fonction de la place disponible.
L’exploitation à 50% de sa charge maximale est également un atout pour faire face aux éventuelles mesures sanitaires qui pourraient être demandées avec le Covid.
As-tu déjà trouvé le bateau ?
Ça c’est la grande question !!!
Non on n’a pas encore signé mais les négociations avancent avec plusieurs vendeurs, donc c’est en bonne voie. Si tout se passe comme prévu, on sera prêt pour inaugurer le week-end de Pâques 2021 et on pourra faire nos premières traversées au printemps prochain.
Je crois que tu as prévu des actions pour sensibiliser les passagers à l’environnement, peux-tu nous en dire plus ?
On a à cœur de faire découvrir aux passagers l’écosystème rencontré pendant la navigation comme les oiseaux, les mammifères, les espèces endémiques ou encore les autres voiliers qui sillonnent cette zone.
On souhaite également sensibiliser à la préservation de l’environnement et inciter les passagers à limiter leur impact en tant que voyageur.
L’idée est d’avoir à bord un affichage informatif fixe et permanent et de distribuer sur demande des passagers des plaquettes pédagogiques qui abordent des grands thèmes : gestion des déchets, les oiseaux et mammifères marins, les éco-gestes à adopter…

Après je comprends que les gens n’aient pas tous envie d’être informés donc on ne fera pas de commentaires rébarbatifs sur la sensibilisation à l’environnement. Ça sera plus sur demande des passagers et on s’adaptera en fonction. L’idée c’est qu’il y ait de l’interaction entre les marins et les passagers et que cela reste un moment convivial.
Quelles sont les grosses galères que tu as rencontrées ces deux dernières années ?
Acheter un bateau quand tu n’as pas de ronds (rires) !
Trouver le bateau qui répond aux normes, ça ne court pas les rues. J’en avais trouvé deux et ils me sont passés sous le nez parce qu’ils ont été vendus le temps de trouver les financements.
L’autre galère que je rencontre c’est de rester dans un bureau à remplir des dossiers administratifs alors que mon boulot à la base c’est quand même de naviguer.
Ça fait partie du job de chef d’entreprise mais la partie administrative est très lourde.
Un gars du réseau initiative m’avait prévenu quand il a vu mon budget :
“avant de faire de la voile on va ramer !”
As-tu réussi à obtenir les financements suffisants pour lancer le projet ?
Oui. On est sur la fin de la levée de fonds. On a déjà trouvé 2/3 des investisseurs et on a obtenu l’accord des banques pour un gros emprunt grâce au Crédit Coopératif et la Nef.
La boite ne m’appartiendra pas à 100%. On a des business angels qui nous accompagnent et qui croient au projet. Ils ont également des conseils et une certaine expertise à apporter.
On a également gagné des prix à des concours comme notamment le prix de l’initiative maritime du festival des aventuriers de la mer, le premier prix de l’appel à projet national “Tourisme et itinérance”, un prêt d’honneur initiative pays d’Auray et aussi une bourse pour l’innovation avec la fondation Jean GUYOMARC’H.
Ça renforce l’apport personnel et la crédibilité du projet.
J’en profite pour citer notre premier sponsor : Le Glazik (Quimper) qui nous fournit nos vareuses en coton bio.
Une campagne de financement participatif est également en cours ?
Oui. Pour compléter notre apport personnel, on a lancé une campagne de crowdfunding sur la plateforme Ekosea. Elle se terminera le 24 décembre et permettra à ceux qui souhaitent soutenir le projet de pré-commander leurs billets.

Au-delà de l’aspect économique, le crowdfunding nous permet de gagner en visibilité et en crédibilité en montrant que les gens ont envie de traverser à la voile.
Quels sont les axes de développement du projet ?
A terme, l’objectif est de faire d’autres liaisons vers d’autres îles comme Groix, les îles du Frioul, l’île d’Yeu, Porquerolles…
Un autre objectif à terme est de faire construire des navires plus innovants qui permettront de proposer des liaisons décarbonées à 100%. On peut également envisager de recycler des vieilles coques et de les équiper de moteurs électriques. Même si l’énergie électrique peut susciter des débats en termes d’impact écologique, notre objectif est d’éviter le pétrole pour ne plus risquer d’avoir de marées noires.
Et l’énergie électrique est intéressante sur un bateau car tu peux faire de l‘hydrogénération quand tu navigues à la voile pour recharger les batteries. Tu peux aussi recharger avec des panneaux solaires.
Le problème c’est que les infrastructures ne permettent pas encore d’utiliser exclusivement l’énergie électrique. Les ports comme Le Palais à Belle-ile ou Port Maria à Quiberon ne sont pas équipés pour proposer la recharge électrique. Ça devrait être mis en place avec la nouvelle gare maritime de Port Maria mais il faut encore attendre au moins 2-3 ans.
J’ai conscience que le bateau idéal n’existe pas. Notre solution n’est pas parfaite mais c’est un compromis qui permet de proposer une alternative fun et moins impactante aux gros navires à moteurs.
A quel autre rider (tous types de glisse) penses-tu pour être notre prochain Green Rider ?
Reno , un sacré personnage. Il travaille en permaculture à Erdeven, un projet au top en total accord avec son environnement. BIG RESPECT !